mardi 3 mai 2011

CADTM Maroc : développement humain, beaucoup de bruit pour rien


Maroc : développement humain, beaucoup de bruit pour rien



Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) vient d’éditer son rapport mondial sur le développement humain pour l’année 2009.

Ledit rapport classe le Maroc au 130ème rang, loin derrière la Turquie, le Liban, la Jordanie, la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte et la Syrie. Avec un IDH (Indicateur de Développement Humain) de 0,654, le Maroc présente un niveau de développement humain moyen, à cause en partie d’un taux d’alphabétisation de 55,61% et d’un taux de scolarisation de 61%.

Malgré la création de nombreuses institutions qui œuvrent dans le domaine social (Fonds Hassan II pour le développement économique et social, Fondation Mohamed V pour la solidarité, ADS, ANAPEC), et 4 ans après le lancement de l’INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) le Maroc ne fait même pas autant que le Botswana (125è) ou la Namibie (128è).

Le Gabon, classé en 2005 au 123è rang juste avant le Maroc a fait un grand effort et occupe actuellement la 103ème place avec un taux d’alphabétisation de 60,1% et d’un taux de scolarisation de 86,2%. La Guinée Equatoriale, en guerre civile est au 118ème rang et la Palestine sous occupation sioniste arrive au 110è rang !

Le développement humain est un concept plus vaste qui ne se limite pas au lancement de projets « sociaux », déjà programmés : construction d’une école ou élargissement d’une autre, constructions de logements pour les « démunis », ou d’une mosquée… Ni à la distribution de cartables aux écoliers, de draps dans les hôpitaux ou de bols de soupe pendant le mois de Ramadan.

Le développement humain implique une politique sociale globale : une infrastructure de base (dans tous les domaines), lutte contre la pauvreté et les inégalités, lutte contre le chômage et la précarité, éradication des bidonvilles et de logements insalubres, lutte contre la corruption… Sans oublier les avancées en matière de démocratie, et l’évolution en matière de technologie.

Revenons un peu à la théorie pour voir comment le PNUD appréhende le développement humain d’un pays. Depuis 1990, l’indicateur de développement humain est calculé chaque année dans le but de déterminer les avancées générales des aspects fondamentaux du développement humain à l’aide d’un indicateur comprenant plusieurs éléments, et de procéder ainsi au classement des pays. L’IDH est un indicateur composite qui mesure l’évolution d’un pays selon trois critères de base du développement humain : santé et longévité (mesurées d’après l’espérance de vie à la naissance), savoir (mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation combiné du primaire, du secondaire et du supérieur), et un niveau de vie décent (mesuré par le PIB par habitant en parité du pouvoir d’achat en dollar US). Après normalisation des différentes variables qui le compose, l’IDH s’échelonne entre 0 et 1. La valeur de l’IDH pour un pays montre le chemin que ce dernier a déjà parcouru vers le maximum théorique de 1 et permet également les comparaisons internationales.

A partir de 1995, le PNUD a introduit dans son rapport mondial deux nouveaux indicateurs composites qui ont, dès lors, permis de refléter les inégalités entre hommes et femmes en termes de développement humain. Il s’agit de l’ISDH (Indicateur Sexospécifique de Développement Humain) qui évalue les avancées du développement humain de base corrigées des inégalités entre hommes et femmes, et l’IPF (Indicateur de la Participation de la Femme) qui permet de mesurer les inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan des opportunités économiques et politiques. En 1997, le rapport mondial sur le développement humain a lancé le concept de pauvreté humaine, et un nouvel indicateur voit le jour : l’IPH (Indicateur de la Pauvreté Humaine). Celui-ci se concentre sur les déficits et les manques dans les composantes élémentaires du développement humain.

Ces différents indicateurs sont des outils simples mais indispensables pour suivre l’évolution du développement humain, dans la mesure où ils apportent tous des informations élémentaires sur le développement humain d’un pays. Toujours est-il que le concept de développement humain est plus profond et plus riche que les indicateurs de croissance (PIB et PNB). Il faut désormais compter aussi sur le niveau de développement technologique d’un pays, et sur le degré d’accès de sa population aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

C’est ainsi qu’on se pose les questions suivantes, entre autres :
- Combien de marocains vivent sous le seuil de la pauvreté ?
- Combien de diplômés sont au chômage, pour ne compter que ceux-ci ?
- Combien de filles à la campagne sont scolarisées ?
- Combien de familles marocaines disposent, chez elles, d’un ordinateur, connecté à Internet ?

Avec un enseignement « sinistré », une santé publique « malade », un taux de chômage élevé et de « qualité » (diplômés, docteurs…), une population à moitié analphabète… le Maroc ne peut jamais approcher de ce point mythique de maximum de développement humain. Ce n’est pas par des festivals ou des Moussems, ni des soirées de galas et de chants qu’on va développer les humains. Il faut plutôt penser à la redistribution juste et équitable de la richesse nationale, à refonder l’Etat, à démocratiser nos institution, etc.

L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), lancé en 2005 avec l’appui de la Banque mondiale, est fondée théoriquement sur une approche participative. Elle comporte un volet de lutte contre la pauvreté en milieu rural, un volet de lutte contre l’exclusion sociale en milieu urbain et de lutte contre la précarité. Sa mise en œuvre pose énormément de problèmes. D’abord elle est coordonnée par le ministère de l’intérieur avec un souci purement sécuritaire, son rythme est très rapide par rapport aux compétences et aux capacités de suivi de ses acteurs : associations (d’ailleurs sélectionnées parmi les plus modérées et les plus proches du Makhzen), coopératives (quasiment absentes), collectivités locales, services extérieurs… Ces composantes, choisies dans le cadre de multiples commissions nationale, régionale, provinciale et locale, ne conçoivent même pas la philosophie de l’initiative et ne sont pas formées pour monter des projets, et l’université en tant qu’acteur fondamental du développement économique et social n’est pas impliquée ! Le ministère de l’intérieur, qui ne sait donc pas comment gérer les budgets importants qu’il reçoit, et en l’absence de propositions concrètes des différents acteurs, se contente de lancer des projets qui n’ont rien à voir avec le développement humain : construction de mosquées, de centres sportifs et de terrains de foot, des centres commerciaux ou touristiques, des pistes en milieu rural, … On gaspille de l’argent dans des festivités, des moussems et des soirées de galas de chant et de danse ! Voilà comment on entend développer les humains au Maroc, et ce n’est pas par hasard si, après quatre ans et demi de ladite initiative de développement humain, le PNUD classe le Maroc au 130ème rang, à cause surtout du taux élevé d’analphabétisme et au déficit en matière d’éducation et de santé.

Dans le cadre de l’INDH on a déjà dépensé 11,13 milliards de DH entre mai 2005 et juillet 2009, ce montant représente près de 28% du budget de l’éducation et 135% du budget de la santé en 2009. Si cet argent public avait été affecté à ces deux secteurs prioritaires que sont l’éducation et la santé, le Maroc aurait peut être gagné quelques points dans l’indice de développement humain ! Pour le moment, la façon par la quelle les autorités gèrent l’INDH consiste tout simplement à créer des pauvres tout en prétendant lutter contre la pauvreté.

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