vendredi 5 mars 2010

les ravages du capital au maroc

14 000 licenciements et 104 entreprises fermées en 2009

A peine 58 entreprises avaient fermé leurs portes en 2008. 55% concernent des entreprises de 50 salariés ou moins.
56% des fermetures dans le textile et 27% dans les services.
60% des salariés licenciés sont des femmes et 93% sont des ouvriers.
Le mois d'avril a été celui où il y eut le plus grand nombre de fermetures.


Difficile a été la situation de l’emploi en 2009 : fermetures d’entreprises, compression des effectifs, réduction de la durée du travail... Pour la première fois au Maroc, un bilan détaillé existe sur la question. Il vient d’être réalisé par le département de l’emploi qui dispose désormais d’un tableau de bord annuel. Le constat illustre parfaitement ce qu’on pourrait appeler, en empruntant le langage de l’économie monétaire, «les effets de second tour» de la crise économique ; c’est-à-dire, en l’occurrence, la contagion de celle-ci dans la sphère de l’emploi.
Les statistiques du ministère, élaborées à partir des données recueillies par ses délégations sur le terrain, montrent en effet que les fermetures d’entreprises en 2009 ont augmenté de près de 80% par rapport à 2008 : 104 fermetures à fin décembre 2009 contre 58 une année auparavant. En termes d’évolution mensuelle, le mois d’avril a été celui où il y eut, et de loin, le plus grand nombre de fermetures. Comme on pouvait s’en douter, les fermetures d’entreprises ont touché tout particulièrement le secteur du textile et cuir (55,8%), très fortement lié à la demande étrangère, suivi des services (26,9 %) et, en troisième position, des autres industries (15,4%). Par taille, ce sont les petites entreprises (1 à 50 salariés) qui ont connu le plus de fermetures (55%), puis celles de taille moyenne (51 à 200 salariés) avec 35,6% de fermetures. Mais les grandes entreprises n’ont pas été épargnées puisque 9,6% des fermetures les concernent et les effectifs licenciés sont, évidemment, d’une ampleur plus importante.
L’analyse des causes de ces fermetures montre que, pour près de deux tiers (65,4%), elles sont dues à des difficultés économiques et financières. La deuxième cause, à savoir des motifs administratifs et judiciaires, vient très loin derrière, avec une part de 12,5%. C’est dire la «prégnance» des effets de la crise dans les difficultés des entreprises et, au bout, des salariés.

Le textile-cuir concentre l'essentiel des licenciements et des réductions du temps de travail

Mais si des entreprises ont dû mettre carrément la clé sous le paillasson, d’autres ont pu résister mais moyennant des baisses d’effectifs. Elles sont 68 à avoir en effet recouru à la compression du personnel, contre 58 en 2008, soit une hausse de 17,3%. Et les mois de janvier et octobre 2009 furent ceux où il y eut le plus de licenciements par ce procédé.
Résultat : 13 974 salariés ont été licenciés en 2009, dont 9 581, suite aux fermetures d’entreprises, et 4 393 par compression des effectifs ; ce qui représente une hausse de 58,74 % du nombre de licenciés par rapport à 2008.
Une fois de plus, c’est dans le secteur du textile et cuir qu’il y eut le plus grand nombre de licenciés (60,5%), suivi des autres industries (25,9%) et des services (10,2%). Et la discrimination genre, comme cela ressort des statistiques du ministère de l’emploi, continue de sévir puisque plus de 60% des salariés licenciés sont des femmes. Par secteur d’activité, c’est dans «autres industries» et textile et cuir que l’on retrouve le plus grand nombre de femmes licenciées : 69 % et 65,3 % respectivement. Dans les services, la part des femmes licenciées était de 38,4 %. Toutefois, dans le textile et cuir, la proportion élevée de femmes licenciées est à mettre éventuellement en rapport avec une présence féminine accrue dans ce secteur; ce qui tendrait à relativiser le caractère discriminatoire de ces licenciements.
Comme toujours, le malheur retombe invariablement sur les salariés de bas d’échelle.

2% des licenciements concernent les ingénieurs et cadres

En effet, la ventilation des licenciements par catégorie socioprofessionnelle montre que ce sont les ouvriers qualifiés (67%) puis les ouvriers non qualifiés (26%) qui ont été les plus touchés. Les techniciens (5%) et les cadres et ingénieurs (2%), eux, ont été relativement épargnés.Enfin, troisième procédé utilisé pour faire face à la crise, la réduction du temps du travail. Le nombre d’entreprises qui ont eu recours à ce procédé a tout simplement explosé, passant de 50 en 2008 à 130 en 2009, soit une hausse de 160%. Conséquemment, le nombre de salariés touchés par la réduction du temps du travail a augmenté de manière vertigineuse : il a quasiment quadruplé en s’établissant à 20 668 contre 5 559 en 2008. Et c’est, toujours, dans le textile et cuir que se situe le gros des salariés concernés par la réduction du temps du travail (79,1%). Dans les services et «autres industries», les proportions de salariés touchés ont été respectivement de 10,6% et 10%. Si on en restait là -à ce tableau noir -on ne comprendrait pas que le chômage en 2009 se soit établi à 9,1% (contre 9,6% en 2008), selon le Haut commissariat au plan (HCP) ; même si, soit dit en passant, pour le ministère de l’emploi, l’enquête du HCP sur l’emploi présente quelques limites, comme le fait qu’elle s’effectue auprès des ménages (60 000) sur une base déclarative. Mais quoi qu’il en soit, l’année 2009, en dépit des difficultés connues, n’a pas été uniquement une année de fermetures d’entreprises, de compressions du personnel et de réductions du temps du travail. Elle fut aussi une année où des recrutements ont été effectués. Le ministère de l’emploi nous apprend à cet égard que l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences a réalisé 52 000 insertions en 2009, en augmentation de 11% par rapport à 2008.
De la même manière, si des entreprises ont dû fermer, d’autres ont été créées. Comme nous le rapportions ici même il y a près d’un mois (La Vie éco du 29 janvier dernier, cf www.lavieeco.com), 26 984 entreprises ont en effet été créées en 2009 (contre 27 175 en 2008, certes). Ceci pour dire que la naissance comme la mort des entreprises (la démographie des entreprises) est un phénomène assez connu, l’essentiel étant, à l’évidence, que le solde ne soit pas négatif. Et avec la globalisation de l’économie, à laquelle rien ni personne ne paraît pouvoir échapper, ce phénomène lié à la démographie des entreprises pourrait s’accentuer, en particulier s’agissant des petites et moyennes structures. Et cependant, malgré ces insertions et ces créations d’entreprises, l’impact de la crise sur l’emploi a été significatif. Un exemple : depuis 2006, le troisième trimestre de l’année 2009 a été celui où le nombre des créations d’emplois est redescendu à un niveau historiquement bas : 34 000 emplois contre 145 000 au troisième trimestre de 2008, 111 000 à la même période de 2007 et 221 000 au troisième trimestre de 2006.
Plus globalement, 2009 a été l’année où le volume d’emplois créés était le moins élevé de ces dernières années : 95 000 contre 133 000 en 2008 et 127 000 en 2007, selon les chiffres du HCP. Et quand on observe l’origine de ces créations, on voit bien qu’elles sont le fait de deux secteurs seulement : les services et le BTP. Ce qui confirme le constat déjà établi, à savoir que l’industrie ne crée pas, ou très peu, d’emplois au Maroc.
ZOOM :De nouveaux indicateurs de l'emploi



Parmi les objectifs du ministère de l’emploi fixés dans son plan d'action pour 2010 et définis lors de la présentation de son budget au Parlement, il y a la mise en place d'un système d'information qui permet de fournir des indicateurs sur la situation de l'emploi :
créations d'emplois (création ou réouverture d'entreprises), pertes d'emplois (fermetures d'entreprises, compression des effectifs), réduction ou rétablissement de la durée du travail.
Le tout avec des déclinaisons selon le genre, la catégorie socioprofessionnelle, le type de contrat, le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, son ancienneté, etc. Ce système fonctionne déjà depuis janvier dernier, il sera perfectionné au fur et à mesure, et il est même prévu que ces indicateurs soient établis, aussi, selon une périodicité mensuelle et trimestrielle.





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